Une petite usine de 38 travailleurs basée à Thessalonique défraie la chronique. Une histoire banale dans un pays en crise : un groupe en faillite qui a ruiné sa filiale, des patrons aux abonnés absents, des salaires impayés depuis des mois. Alors, les salariés occupent l’usine et quelques mois plus tard, comprenant qu’ils ne sont plus que des ex, décident de relancer l’activité en reprenant la production, en devenant maître de leur travail. Et ils s’interrogent sur le sens du travail ordonné par les patrons, sur le sens d’un travail libéré : ils le veulent socialement utile, ils remettent en cause la toxicité de la production antérieure. Tout cela, c’est l’histoire de Vio.Me. à l’exemple de nombreuses entreprises latino-américaines et tout particulièrement argentines.

Pourtant, il y a du nouveau dans Vio.Me. Cette entreprise est la seule dans ce cas en Grèce et comme telle, elle apparaît à la population locale comme un joyau de courage qu’il faut à tout prix soutenir. Ils fabriquaient des colles et dissolvants pour le bâtiment, ils produisent désormais des produits d’entretien écologiques et à bas coût. Lorsqu’en février de cette année, ils ont relancé la production, trois jours de manifestations massives couronnées par un concert géant se sont déroulées à Thessalonique.

Naomi Klein, l’auteure canadienne de La stratégie du choc et de No logo, la réalisatrice du film « The Take » (sur les entreprises récupérées argentines) est venue. L’entreprise n’étant toujours pas régularisée et mercredi 26 juin, ses 38 ex-salariés ont lancé un appel à manifester et à agir auprès de toutes les préfectures du pays et les ambassades à l’étranger.

Pourquoi autant de soutiens ? Parce que dans la Grèce en crise, ils sont un symbole, celui d’une alternative à l’ordre ancien qui a endetté ce pays dans l’opacité la plus totale avec des financiers avides de taux d’intérêt élevés, ils représentent la transparence, les forces du travail capables de reprendre en main leur avenir. Cette volonté de poursuivre la production coûte que coûte est le symbole de cette Grèce qui veut vivre. C’est sans doute ici l’explication de cet immense soutien qu’un homo economicus jugera sans doute disproportionné.

Ils ont rencontré les Fralib au milieu du mois de juin à l’initiative de l’Association Autogestion. Deux pays, deux propriétaires, deux situations, mais l’objectif est le même. En France, un pays moins touché par la crise, Unilever, une multinationale florissante, veut volontairement fermer une usine. Les salariés ont réussi pendant plus de deux ans à s’opposer et à maintenir leur salaire. Par contre, l’orientation est la même. Leur projet de reprise en SCOP intègre une remise en question de la finalité de la production avec une exigence de retour sur la qualité et l’écologie.

L’épreuve de force se profile à l’horizon. Unilever a unilatéralement cessé de payer les salaires depuis avril 2013. En contradiction avec la décision du Tribunal d’instance qui l’invitait à présenter un quatrième plan « social » (les trois premiers ont été retoqués), elle veut étouffer les salariés avec son arme de destruction massive : l’argent. Alors, comme la population de Thessalonique, mobilisons-nous pour faire céder Unilever.

Ce vendredi 28 juin, les Fralib organisaient un Carrefour des luttes. De nombreuses entreprises étaient présentes : Arcelor Mittal, Pilpa, Clément Faugier, Bonduelle, Yoplait, Bel, Continental Nutrition, Moulins Maurel, Saint Louis sucre, Grands Moulins de Strasbourg, Kronenbourg, Salvesen, Nestlé, Jacquet, Madrange, Knorr, Chocolaterie de Bourgogne, Brasserie de Champigneulles, Vilmorin, Téréos, ISS, la réparation navale, les Ports et Docks, Kem One, Lyondel Basel, La Centrale de Gardanne, Sanofi, Véninov, Kleber, Ford, Grand Conseil de la Mutualité, Virgin…
Sujet central : l’appropriation sociale comme réponse pratique à un capital qui délocalise et refuse d’investir dans les hommes et les femmes de notre pays, dans nos régions.

À la rentrée, un nouveau carrefour des luttes aura lieu le 5 septembre à Sisteron à l’invitation des Sanofi. Ce mouvement devra converger avec celui naissant sur les retraites. La même question est en jeu : se passer des profits pour répondre aux revendications de créations d’emplois et de retraites dignes. C’est bien d’appropriation sociale dont nous parlons.

C’est la voie qu’empruntent les Fralib et bien d’autres encore. Il est essentiel que les Fralib ne soient pas seuls dans cet affrontement avec cette multinationale. Durant l’été, notre solidarité financière doit se renforcer ; l’ensemble des marques d’Unilever doivent être boycottées.

boycott unilever

Rendez-vous à la rentrée pour une nouvelle année de luttes
pour, tous ensemble, reprendre en main notre avenir.

La lettre du mois de juillet