2013-2014 aura été une année contradictoire. Une année de régressions pour la classe salariée de ce pays dans laquelle un gouvernement « socialiste » est en train de réaliser ce que le patronat rêvait de faire depuis des années, ce qui ne peut qu’interroger tous les partis et mouvements de gauche dans leur stratégie. Mais surprise, une année où jamais, nous n’avons autant entendu parler d’autogestion, ce qui ne peut qu’interpeller toute force politique se réclamant de la transformation sociale.


Côté pile, après avoir avalisé l’année dernière l’Accord National Interprofessionnel (ANI) qui remettait en cause certains aspects du Contrat de travail à Durée Indéterminée, après avoir fait cadeau au patronat du Crédit d’Impôt Compétitivité et Emploi (CICE), voilà que le gouvernement a engagé le Pacte de responsabilité à partir du 1er janvier. En clair, après avoir diminué le « coût du travail » par le truchement du CICE, voilà que le gouvernement s’attaque directement aux cotisations sociales patronales avec en ligne de mire les cotisations de la branche famille de la sécurité sociale. C’est la fin du salaire socialisé qui est programmée avec des cotisations qui ne se limiteront plus qu’à du salaire différé. La droite en rêvait, la gauche l’a fait…

Côté face, c’est une éclosion d’initiatives qui toutes vont dans le même sens : celui d’une volonté de se réapproprier son destin et de contrôler son outil de production. Alors que la stratégie de la CG SCOP était de favoriser les transmissions d’entreprises dont les dirigeants partent à la retraite, voilà qu’en 2013 et pour la première fois, on compte plus de reprises d’entreprises en coopérative qui se décident au Tribunal de commerce que de transmissions : 28 contre 23. Les exemples se multiplient : les ex-Pilpa ont lancé La Fabrique du Sud, Les Fralib viennent de gagner contre la multinationale Unilever et vont lancer la SCOP Thés et Infusions, Les Atelières en difficulté avec leurs banques ont réussi à lever quelques centaines de milliers d’euros par souscription auprès des particuliers, la librairie Les Volcans à Clermont-Ferrand repart en SCOP… Ceralep reprise en SCOP en 2004 vient de célébrer ses dix ans de renaissance, la SCOP Buroform se porte bien un an après sa reprise. Bien sûr tout n’est pas rose. Les salariés de La Papeterie de Docelles se heurtent au propriétaire, le groupe  finlandais UPM, qui refuse de céder le site et préfère l’abandonner, la SCOP SeaFrance est menacée par la Competition Commission britannique qui lui interdit d’accoster à Douvres… Mais ces contre-exemples confirment l’aspiration à prendre en main son destin et nous montrent que le chemin vers l’autogestion est un combat politique.

L’apparition cette année de Foires à l’autogestion en dehors de la région parisienne (Toulouse + Saint Jean du Gard + Quimper), la rencontre internationale « L’économie des travailleurs » qui s’est tenue chez les Fralib en janvier, l’émergence d’initiatives coopératives diverses et souvent motivées par l’écologie, sont le témoin de ce mouvement vers l’auto-organisation. A cet égard, il convient de mentionner la volonté de dupliquer l’événement Alternatiba qui se tenait initialement à Bayonne : il s’agit d’un rencontre des alternatives visant à conjurer le réchauffement climatique qui nous menace. Même les personnes âgées ne sont pas en reste avec la rencontre de Bègles du 5 avril qui vise à construire des résidences autogérées pour vivre sa vieillesse en toute indépendance.

Toutes ces initiatives témoignent d’une aspiration profonde de la société à s’auto-organiser et cette auto-organisation s’oppose toujours à la règle du capital. Dans le premier cas, ce sont les besoins qui déterminent l’activité, dans le second, la valorisation du capital détermine l’investissement. L’heure est à la convergence de toutes les initiatives d’auto-organisation pour offrir une alternative crédible aux reculades du gouvernement face au patronat. Qui de l’auto-organisation ou des reculs sociaux l’emportera sur le long terme ? Là est l’enjeu.

La lettre du mois de juillet