Tribune de salarié-es, membres fondateurs de la Coop des masques ou parlementaires, parue dans Le Télégramme, le 25 octobre 2022

Nous sommes au début de la huitième vague de la pandémie de Covid-19 et la Coop de Masques est en dépôt de bilan. Comment en est-on arrivé là ?

Au début de la pandémie de Covid-19, l’État voulait créer une capacité de production de masques qui nous garantisse une autonomie sanitaire. Les prévisions de commandes de masques ont été la base des prévisions des producteurs qui se sont lancés dans cette activité ainsi de ceux qui les ont financés, dans le public comme dans le privé. Les producteurs français devaient dominer le marché.

Mais le taux d’importation de masques (principalement depuis la Chine) dans les appels d’offre publics est passé de 95% avant la période Covid à 97 % entre Septembre 2020 et l’été 2021, d’après le syndicat des producteurs de masques français. Or l’État a d’abord encouragé le développement d’unités de production partout en France puis, après plusieurs mois, élaboré un cahier des charges afin de favoriser les producteurs français en recommandant l’application d’une clause imposant la production des masques et matières premières en Europe. Les acheteurs qui ont toujours pour principal critère le prix et non l’origine de la production ou la qualité.

Les masques importés ne sont pas contrôlés par les services des douanes faute de moyens, ce qui place les producteurs français en position de désavantage concurrentiel sur leur propre marché puisqu’ils font eux l’objet de contrôles minutieux. Qui demande si les masques commercialisés dans les supermarchés et sur Amazon sont bien aux normes ? Qui s’interroge sur les conditions de travail dans les usines ? Qui souhaite connaître l’empreinte environnementale des masques au cours du cycle de vie du produit ? Nous n’en savons jamais que ce que nous en disent les services de communication des entreprises concernant les engagements des entreprises en terme de responsabilité sociale et environnementale.

Un silence complice s’est imposé. Les producteurs français de masques sont en forcés de casser les prix pour tenter de concurrencer les prix de ces masques importés tout en maintenant leur exigence de normes qualité. Il y a trois ans, l’État et les entreprises ont investi dans la Coop de Masques mais ensuite, rares furent ceux qui, honorant leurs engagements, lui ont passé commande. Aujourd’hui, elle dépose le bilan faute de commandes.

Or, rappelons-nous, la Coop de Masques a été créée pour réparer l’erreur de la fermeture de l’usine de Plaintel par le groupe Honeywell qui a délocalisé en 2018 dans une période de force majeure où équiper la population de masques était une priorité nationale. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine, le coût de l’énergie a-t-ils changé les priorités alors qu’une huitième vague pandémique s’annonce et que nos approvisionnements sont menacés par l’incertitude sur le commerce mondial?

Avec le dépôt de bilan de la Coop de Masques, un constat s’impose : Dans l’Europe néolibérale, il n’y a pas d’alternative au marché. Des expériences locales, environnementales et coopératives ne sont pas compétitives. Défendre la coopération et de la solidarité dans le secteur du sanitaire et social est devenu un défi.

Pour quelques centimes de plus, c’est l’échec assuré. Mais si demain la Chine ne livre pas ses quelques 1,7 millions de masques à la Préfecture de police de Paris, ses 5 millions de masques aux Armées et au moins autant à la Région des Hauts de France, cela promet de nouveaux pugilats sur les tarmacs.

Alors que les aides publiques à destination des entreprises se chiffrent à au moins 157 milliards d’euros par an, ce qui en fait le premier poste du budget de l’État, les faillites se multiplient et la dette publique grandit. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement la Coop de Masques qui est menacée, c’est toute la filière française de production de masques. La Coop de Masques représentait l’espoir d’une réindustrialisation de la France, d’une pluriactivité dans une région comme la Bretagne, d’une vraie démocratie sanitaire fondée sur la confiance grâce à un marché régulé.

La Coop de Masques n’aurait pas dû mourir. Elle avait une utilité sociale et des structures comme celle-là toujours au principe d’intérêt général.

Les signataires de la tribune : salarié-es, membres fondateurs de la Coop des masques ou parlementaires :

David Cocault – Simon Duteil – Murielle Guibert – Patrick Guilleminot – Murielle Lepvraud – Serge Le Quéau – René Louail – Tristan Lozach – Elen Riot – Aurore Ruellan – François Ruffin – Christophe Winckler.

Dans notre précédent article avec le communiqué du 16 octobre du président de la coopérative