Le PSU, (Parti socialiste unifié), fondé en 1960 et auto-dissous en 1989, a joué un grand rôle dans la réflexion et la diffusion des thèmes liés à l’autogestion. C’est pour faire connaître, et (re)vivre ces acquis – ce qui n’interdit pas de les soumettre à la critique du temps – que se sont constitués l’association des Amis de Tribune socialiste (nom du journal du PSU), puis l’Institut Tribune socialiste. C’est dans le 11ème arrondissement, au 40 rue de Malte, tout près de la place de la République, que se situent ses locaux. En cette matinée de début avril nous visitons la salle de consultation (ouverte du lundi au vendredi sur rendez-vous) où l’on trouve des collections de revues, de publications, de livres, des archives de militants. Jacques Sauvageot, qui nous y a servi de guide, nous accorde ensuite un entretien qui nous éclaire sur l’institut, ses activités et les possibles coopérations.
Qu’est-ce que l’ITS ?
L’Institut Tribune socialiste est un fonds de dotation constitué par plusieurs membres fondateurs : l’association Les amis de Tribune socialiste (ATS), l’Institut Edouard Depreux (IED), l’association Les Amis de Victor et de Paul Fay (AAVPF), l’association ESU-PSU et Unef années 60. Il a une double vocation :
– Permettre l’accès aux archives du PSU que ce soit par la collecte et la conservation d’archives à l’institut lui-même ou dans d’autres centres, qu’il s’agisse d’institutions publiques (archives municipales, bibliothèques de recherche) ou privées (comme au centre d’histoire du travail de Nantes)
– Faire vivre l’héritage du PSU en poursuivant les débats sur les grandes questions ayant agité la vie du PSU, questions qui sont encore pertinentes aujourd’hui.
De quelles questions s’agit-il ?
Il y en a plusieurs. Le PSU avait pour projet de participer à la construction d’un « socialisme nouveau », d’une alternative au capitalisme. C’est un projet qui demeure d’actualité, même si les termes utilisés aujourd’hui ne sont plus les mêmes. Ce projet reposait sur la volonté d’allier expérimentation et réflexion, de réfléchir dans une perspective qui n’était pas simplement à court terme, d’interroger toutes les gauches, de s’appuyer sur les nouveaux mouvements des classes et couches sociales aspirant au changement. La stratégie de « Front socialiste », avancée dans les années 1960 et 1970, incluait non seulement les partis politiques mais tous les mouvements aspirant au changement. Tout cela demeure d’actualité.
Bien sûr, dans cette « marque de fabrique » du PSU il y a l’autogestion qui est une constante présente dans les réflexions. Et ceci dès le début : dans les années 1960, à un niveau macro-économique, l’autogestion est pensée comme une autre voie du socialisme (qu’est-ce qui pourrait renouveler, voire « corriger » le socialisme). Dans les années post 68, jusqu’au milieu des années 1970, l’autogestion est mise en avant comme une alternative politique au système dominant… au moment même où le PSU affirme la nécessité de la construction d’un « parti révolutionnaire ». Ensuite l’autogestion recouvrira en fait plutôt une volonté de convergence des luttes sociales et des mouvements sociaux féministes, antinucléaires…
Comment travaillez-vous sur ces questions ?
L’institut a mis sur pied des groupes de travail. On peut en citer deux, qui sont traversés par les mêmes questions.
D’abord un groupe de travail sur le lien social : il s’agit de chercher ce qui permet de créer du lien dans une société qui semble soumise à l’éclatement. Il y avait eu, au PSU, beaucoup de travaux, de penseurs, d’écrits sur les classes, les catégories sociales. Evidemment, la réalité sociale a changé dans les dernières décennies et il y a intérêt a repenser tout cela dans un monde « individualiste », car le vent dominant oppose l’individu au collectif. Mais les individus pour faire société peuvent converger, se regrouper.
Un autre groupe travaille sur la démocratie. Dès sa formation, le PSU s’est opposé à la 5ème République et au « régime du pouvoir personnel » de De Gaulle, sans prôner le retour à une 4ème République que le parti rejetait. Le PSU s’est prononcé très rapidement (1961) pour une 6ème République ! Depuis l’Etat a changé, et de nouveaux territoires apparaissent, avec notamment les intercommunalités et les métropoles, les zones autrefois qualifiées de « rurales », les régions, l’Europe, la « mondialisation »… dans un contexte où il faut repenser les bases du développement économique set sociales. Ce qui pose beaucoup de questions !!
Mais vous n’avez pas mis en place un groupe de travail sur l’autogestion ?
En effet, et pour une raison, c’est que nous ne souhaitons pas travailler dans notre coin, isolés, et qu’il y a d’autres personnes qui travaillent sur cette question… dont notamment l’Association pour l’autogestion ! On ne va pas faire double emploi, mais nous n’entendons pas abandonner ce thème. C’est un thème qui mérite un travail particulier, et cela peut se faire dans le cadre d’un partenariat. Un « Cahier de l’ITS », coordonné par François Longerinas, est en cours de publication sur ce thème.
Sur les deux autres territoires dont j’ai parlé, le terrain est peu travaillé, les questions étant souvent principalement abordées dans le cadre de l’actualité, se positionnant dans le jeu politique. Nous voulons quant à nous avoir des débats d’idées plus fondamentaux, moins conjoncturels.
Sur l’autogestion, la question est actuellement abordée surtout sous un angle micro-économique. Or, la question du changement d’échelle reste posée. Elle demeure posée dans tous les domaines. Par exemple, les élections municipales ont remis en avant la question de la démocratie « participative », mais qu’est-ce cela veut dire quand on met en place des métropoles, des régions, l’échelle européenne, la nouvelle mondialisation avec la disparition du système des blocs servant de blocs de références remplacés par la domination apparemment admise de normes communes régentant les sociétés ?
Que trouve t’on de ce point de vue à l’ITS ?
Ici, à l’ITS, il y quantité de documents sur l’autogestion au travers de l’histoire du PSU, de ses positionnements différents. Au départ, l’interrogation c’est : qu’est-ce que l’autogestion dans une société socialiste. Et le PSU explore : on trouve des références aussi bien à la Yougoslavie qu’aux Kibboutz, aux débats historiques du mouvement révolutionnaire. Dans les années 70, on va avoir toutes les thèses développées dans les différents congrès sur l’autogestion, en convergence avec le contrôle ouvrier, le féminisme, l’écologie…dans une espèce de mouvement, de dynamique qui fait que le contenu même de l’autogestion est moins posé qu’il ne l’était dans les années 1960. Ensuite, la gauche arrive au pouvoir en 1981… On a donc de quoi travailler sur l’histoire avec notre fonds, et de quoi participer à une réflexion sur le présent et l’avenir de l’autogestion.
L’Institut Tribune Socialiste (40 rue de Malte 75 011 Paris) est ouvert du lundi au vendredi sur rendez-vous (Tél. 06 45 69 41 28 ou 09 67 07 64 97).
Site internet : http://www.institut-tribune-socialiste.fr
Dans le site, nous avons commenté Les travailleurs peuvent-ils gérer l’économie à leur réédition, et antérieurement publié un texte de Pierre Naville qui y avait contribué à l’époque.