Remi Fraisse est mort, frappé par une grenade offensive, dans le dos !
Et pourtant cette mort était évitable, ainsi que les blessures et lésions des autres victimes du barrage. Oui, le barrage n’était pas encore construit qu’il a déjà fait des victimes, et la responsabilité – au-delà de celle des forces de police et de gendarmerie engagées – est avant tout celle de la politique menée à marche forcée, par celles et ceux qui avaient de toutes façons décidé de ne même pas écouter, entendre, étudier les arguments des « opposants ».
D’un côté, un circuit technocratique d’expertises douteuses, aboutissant au vote quasi-unanime d’élus d’un conseil général qui pour la plupart n’ont pas eu l’honnêteté de demander du temps pour étudier un dossier qu’ils ne maîtrisaient pas. Ah, l’élu omniscient qui ne sait pas dire « je ne sais pas », « je vais réfléchir », « je vais consulter », à commencer par consulter ses propres administrés et pas simplement la soixantaine de bénéficiaires du barrage, petite minorité mais très influente. Et l’exécutif, départemental comme national, d’accélérer la cadence pour terminer à temps et ne pas perdre les subventions européennes ! Car ils ont risqué la vie et la santé de leurs mandants pour garantir l’encaissement de l’argent de Bruxelles !
Une autre voie était possible, c’était de s’en remettre à la population, de discuter, la consulter, lui confier la décision. Car là – contrairement aux calomnies – était la responsabilité ! Là où les institutions ont failli – ce qu’elles reconnaissent elles-mêmes aujourd’hui, un peu tard, un homme trop tard – l’alliance nouée par les habitants, les forces sociales dans l’opposition au projet de barrage, a montré les capacités d’organisation, de discussion, d’expertise.
L’expertise et la connaissance du terrain par les habitants
S’il y a eu « violences », c’est d’abord à la surdité des pouvoirs publics qu’on le doit. Le travail fourni par le mouvement, en son sein, a été mille fois plus sérieux, approfondi. L’expertise pratique de la connaissance du terrain par les habitants, liée au savoir accumulé aussi bien à l’université que dans l’école de l’expérience des luttes et des débats par des centaines d’individus, de militants, vaut mille fois plus que toutes ces conclusions apportées par les « gens responsables », sans transparence aucune. Et on retrouve là ce qu’on avait vu à plus grande échelle en 1968, dans les commissions de réforme de l’université, les comités d’action de quartier, ce qu’on retrouve aussi dans les grèves comme dans les contre-propositions des syndicats, des comités d’entreprise : la capacité créatrice des femmes et des hommes qui savent qu’il n’y a pas de meilleure garantie pour l’avenir que de le prendre en mains soi-même.
Les « opposants » ont raison de refuser ces choix absurdes
Les choix de ces élus incompétents et de l’État qui reconnaît avoir bâclé le sujet les rendent illégitimes. Devant une telle faillite les « opposants » ont raison de refuser ces choix absurdes.
Puisque la ministre de l’écologie, c’est-à-dire le gouvernement, reconnaît que le projet a été bâclé, et qu’il n’aurait pas dû être, il faudrait qu’ils en tirent les conséquences. Non qu’ils laissent la place en tant qu’individus pour de « plus compétents », mais que ce système et ces institutions qui ont fait faillite laissent la place à autre chose, à ce qui se créée au jour le jour dans ces luttes qui loin d’être « passéistes » sont justement une alternative.