220px-FagorArrasatePlantaMondragonCertaines régions sont connues pour regrouper un grand nombre de coopératives, par exemple, l’Emilie-Romagne ou le Pays Basque sud. Comment expliquer ces regroupements ? Les économistes qui s’intéressent au sujet évoquent des facteurs culturels, institutionnels, mais aussi les avantages indirects de se regrouper entre entreprises coopératives (ce qu’ils appellent des « externalités »).  A partir des statistiques du Pays Basque sud dans la période 1995-2002, S.Arando et ses collègues de la Mondragon Unibertsitatea et de l’University of Southampton montrent l’importance de ce troisième facteur en constatant que le nombre de création de coopératives dans un district est positivement influencé par le nombre de coopératives déjà présentes. Ils en tirent une recommandation pour les politiques économiques : pour développer un secteur coopératif, mieux vaut concentrer géographiquement les efforts.


Dans cet article nous résumons, sans entrer dans le détail, quelques résultats présentés dans l’article « Do labour-managed firms benefit from agglomeration ? », d’Arando et ses collègues.

Il existe un courant d’étude en économie qui s’intéresse aux entreprises gérées par les travailleurs. Les deux plus gros regroupements actuels se trouvent au Pays Basque (8% de la valeur ajoutée industrielle) et en Emilie-Romagne (13% de l’activité économique), mais d’autres peuvent être cités, comme les coopératives de contreplaqué au nord de la côte pacifique des USA dans les années 40 et 50.

Plusieurs questions se posent: pourquoi les entreprises gérées par les travailleurs sont-elles relativement rares dans l’économie ? Pourquoi ces entreprises se regroupent-elles géographiquement ?

Concernant le regroupement géographique, différents facteurs sont identifiés par les économistes:

  • facteurs culturels, tels que le niveau de confiance spontané envers autrui (qui semble varier très fortement entre le nord et le sud de l’Italie, selon une étude citée par les auteurs).
  • facteurs institutionnels, par exemple la présence de banques favorables aux coopératives.

Un autre facteur, auquel s’intéressent Arando et ses collègues est celui des « externalités », c’est à dire tous les avantages indirects procurés à une entreprise coopérative qui viendrait s’implanter dans un secteur où de nombreuses autres sont déjà présentes:

  •   les individus (clients, fournisseurs potentiels) sont rassurés par l’exemple des autres entreprises actives dans la région.
  • les services spécifiques (par exemple expertise juridique) sont déjà disponibles sur place.
  • l’assistance mutuelle (par exemple financière) est facilitée.

Le cas du Pays Basque

Pour montrer que ces externalités jouent un rôle important dans le choix d’installation pour une entreprise gérée par les travailleurs, Arando et ses collègues analysent les données du nombre d’entreprises qui s’installent au Pays Basque sud, où 3% des entreprises sont des coopératives gérées par les travailleurs (on pourrait aussi s’intéresser à la croissance du nombre de salariés, ou à celle de la valeur ajoutée produite).

Les données disponibles recouvrent la période 1995-2002, pour chacun des 20 cantons du Pays Basque sud, pour chaque secteur d’activité économique, et incluent les coopératives et les entreprises capitalistes classiques.

A partir de méthodes économétriques, ils montrent que ce qui favorise le plus l’implantation de nouvelles coopératives sur un territoire, est le nombre de coopératives qui y sont déjà implantées. Il y aurait donc bien des interactions positives entre les coopératives lorsqu’elles se situent les unes près des autres, alors qu’il y a peu d’interactions positives entre les entreprises capitalistes classiques et les coopératives d’après les résultats d’Arondo et ses co-auteurs. Ainsi les entreprises gérées par des travailleurs ont tendance à s’installer là où d’autres entreprises de même type sont déjà installées en nombre, pour bénéficier des avantages indirects liés à cette concentration.

Perspectives
Cet article appartient à un courant qui produit de nombreux travaux circonstanciés sur les entreprises gérées par les travailleurs. Nous continuerons d’en rendre compte ultérieurement sur ce site.

Bibliographie

  • Do labour-managed firms benefit from agglomeration? S.Arando, M.Gago, J.M. Podivinsky, G.Stewart, Journal of Economic Behavior & Organization 84 (2012) 193–200, http://dx.doi.org/10.1016/j.jebo.2012.07.014
  • Dow, G.K., 2003. Governing the Firm: Workers’ Control in Theory and Practice. Cambridge University Press, Cambridge.