Le Réseau syndical international de solidarité et de luttes[1] appelle à lutter pour un service public et des biens communs qui garantissent, à l’échelle mondiale, une égalité de prestations et de droits pour l’ensemble de la population. Le service public constitue un salaire social, un élément décisif du revenu et des conditions de vie des classes populaires. Il détermine et définit une répartition de la richesse socialement produite. C’est pourquoi il doit être égalitaire pour toutes les populations concernées, reprendre les prestations et les structures les plus avancées des services publics nationaux et régionaux, s’aligner sur le mieux-disant pour toutes les prestations et les activités qu’il devrait assurer, se construire à partir d’une stratégie de convergence rapide, fonctionner selon des critères d’utilité sociale. Les conditions de travail, de statut et de salaire, les droits fondamentaux des travailleurs-ses, leur possibilité d’action, d’expression, d’organisation et de négociation, doivent également être unifiés sur la base des situations les plus favorables aux salarié-es.

Les ressources nécessaires au financement d’un tel service public doivent être prélevées sur les bénéfices du capital. Sa mise en place se situe dans un objectif de rupture avec le capitalisme et ne pourra se faire sans prendre en compte les situations coloniales et post coloniales et leurs conséquences sur les situations politiques, sociales, économiques et écologiques de nombreux pays dans le monde.

Le service public, tel que nous l’avons connu dans plusieurs parties du monde (à des degrés de développement différents), est aujourd’hui systématiquement attaqué. Il a un caractère éminemment contradictoire. Il s’agit certes d’une structure conçue pour soutenir le développement général du capital et sa valorisation. Mais il est aussi le fruit de luttes populaires qui ont imposé dans son organisation, dans son fonctionnement et dans ses objectifs, des dimensions de bien public, de bien commun et de propriété sociale. Tous ces éléments sont naturellement inaboutis, limités et de surcroît gravement dégradés.

Du point de vue des conditions de travail, de salaire et de statut, le service public a eu traditionnellement des critères de gestion bureaucratique, verticaliste, autoritaire, à forte prééminence hiérarchique. Mais en même temps, c’est dans le secteur public que les salarié-es ont obtenu les plus fortes avancées, ont été le plus solidement organisé-es, ont consolidé un contre-pouvoir important. Les collectifs des travailleurs et travailleuses du service public jouent un rôle déterminant dans les résistances contre l’attaque néolibérale. Même si les institutions européennes s’efforcent d’imposer partout des critères de gestion d’entreprise capitaliste classique, des mouvements de privatisation, de transformation et de réduction des prestations, le service public continue d’assurer un ensemble de prestations indispensables aux majorités sociales. Il demeure l’enjeu d’un combat décisif. Le pouvoir n’a pas réussi totalement à le dégrader et à le restructurer.

La défense du service public constitue un creuset exemplaire d’alliances sociopolitiques pour la résistance populaire et la lutte syndicale. De surcroît, le service public, par la force même du mouvement qui en assure la défense, nous permet de poser la lutte d’une manière offensive, d’ouvrir la question de la transformation sociale. Ainsi, la revendication d’un service public européen, défendue par plusieurs organisations membres de notre Réseau, entraîne l’exigence d’une égalité de prestations pour toute la population de l’Europe ; cette question se pose de la même manière dans toutes les régions du monde, et aussi à l’échelle mondiale. C’est une dynamique d’égalisation des revenus qui pose, du même coup, la question générale de la répartition des richesses et du pouvoir. Ensuite, les travailleurs-ses du service public et des biens communs constituent un pôle de résistance à forte valeur de référence pour l’ensemble du salariat. Leur action pèse de manière décisive sur la structure du marché du travail, sur le niveau des salaires, sur les conditions, les statuts et les droits. La revendication d’une convergence rapide puis d’une unification des conditions pour tout le salariat du secteur public constitue un élément d’exemplarité et un point d’appui pour l’ensemble du mouvement des travailleurs et travailleuses dans son activité de lutte et de revendication unitaires.

La défense du service public et des biens communs avec la revendication d’un service public égalitaire peuvent ouvrir sur la construction d’échéances de transformation sociale extrêmement avancées grâce à la force propre du mouvement des travailleurs et travailleuses du secteur et grâce aussi aux alliances sociopolitiques puissantes et socialement bien implantées qui en assurent la défense générale.

Le mot d’ordre de « démocratisation des services publics » autant pour les secteurs nationaux et régionaux que dans la perspective d’un projet international ouvre sur une revendication plus large, celle de la socialisation des services publics, de la tension vers des formes autogestionnaires, même partielles, avec le passage à des gestions coopératives d’activités plus ou moins étendues du service public. L’objectif d’autogestion et de socialisation du service public doit être vu comme une tension permanente portée par l’organisation et la lutte. Il s’intègre dans un projet sociopolitique lié à la démocratie et à la transformation sociale radicale.

Texte adoptée lors de la rencontre internationale des 8 et 9 juin 2015.

Article original : http://www.laboursolidarity.org/Pour-un-service-public-construit

[1] Le Réseau syndical international de solidarité et de luttes (www.laboursolidarity.org) regroupe plus de 40 syndicats ou fédérations dont l’Union syndicale Solidaires en France et la CGT de l’État espagnol.