Il n’y a de vraie démocratie que lorsque les citoyennes et citoyens sont en capacité permanente de faire des choix, de prendre collectivement des décisions. Si, compte tenu des échelles, il est nécessaire de recourir à la représentation, celle-ci ne doit nullement confisquer la parole des mandants mais au contraire, leur permettre de s’exprimer et de permettre que cette expression s’applique.
Depuis de nombreuses années, la ville de Bobigny a suscité l’expression des habitants, lesquels s’expriment et décident dans neuf structures que nous allons ici détailler. À vous de vous faire une opinion sur ces structures et sur ce qui manque …
Les Assises de la ville
Selon le site de la ville de Bobigny, « c’est l’élément essentiel qui rythme les étapes du projet de ville et permet de faire le point sur l’état d’avancement des réalisations … avec confrontation des points de vue ». De 1998 jusqu’en mai 2009, elles se sont réunies six fois pour « Vérifier que le contrat électoral pris devant les électeurs est respecté. »
L’Observatoire des engagements
C’est « un lieu permanent d’échanges et d’interventions … pluraliste, composé d’une centaine de citoyens de tous horizons ». Totalement indépendant de la municipalité, il est habilité à contrôler et à auditionner les élus sur l’état d’avancement des engagements pris lors des Assises de la ville.
Deux fois par an l’observatoire établit un rapport. Les membres de l’observatoire font des auditions, des visites sur le terrain et organisent des rencontres. Cette démarche bouscule les habitudes des élus et … la participation citoyenne.
Les réunions « Parlons franchement »
Ces rencontres, la forme la plus ancienne de la démocratie active, ont lieu deux fois par an dans les treize quartiers de la ville. Elles sont ouvertes à ceux qui habitent ou travaillent dans les quartiers. Elles permettent la prise en compte des préoccupations quotidiennes et le contact de proximité.
Les réunions « Parlons franchement » sont annoncées par voie d’affichage, par invitations distribuées dans les boites à lettres et dans le journal « Bonjour Bobigny ».
Les Collectifs locaux d’initiatives citoyennes (CLIC)
Ils constituent des ateliers de réflexion et de proposition dotés d’une compétence générale. La charte des CLIC pose un devoir d’information de la ville à l’égard des CLIC sur tout projet municipal important avec droit de saisine du Conseil Municipal et… obligation de réponse effective et motivée. En bref les CLIC peuvent s’intéresser à tout, doivent recevoir toutes les informations et poser toutes les questions sur tous les sujets avec obligation de réponse.
Ce que dit le site de la ville : « Il s’agit pour eux d’organiser la gestion communale de telle manière que les citoyens soient, autant que possible, acteurs véritables de leur ville ». Une « journée de la démocratie », en juin, leur donne l’occasion de présenter un rapport annuel et de dialoguer avec l’équipe municipale.
La Consult’action
Une grande enquête (auprès de 30% des habitants de plus de 16 ans et des usagers de la ville) a lieu régulièrement. Enquête élaborée par CSA et par les divers organismes de « la démocratie active » (l’Observatoire des engagements, et les assises de la ville). Une consut’action a été réalisée en 2007 qui abordait tous les aspects du projet de ville : redéfinition des voies de circulation, transports, équipements collectifs (santé, loisirs, formation …), habitat et logement, aménagement du canal, intercommunalité, développement économique, emploi, commerce, sécurité, démocratie participative… Les avis recueillis permettent d’affiner le projet de ville.
Les Ateliers d’urbanisme
Ils permettent d’identifier les décalages liés à l’interprétation des besoins par la ville et à la perception des choix envisagés par les habitants. Au cours de séances thématiques les projets importants sont soumis aux habitants pour répondre au mieux aux attentes des usagers.
Pendant deux ans, avec l’Office HLM, le service habitat et logement, des architectes et les habitants, des ateliers ont été régulièrement organisés dans un quartier point de départ de la « refonte du cœur de ville ». Il en est ressorti un plan de réaménagement. Avec le projet de rénovation urbaine de 2007 qui change radicalement le visage de Bobigny d’ici 2015, ces ateliers ont joué un rôle déterminant.
Le Conseil municipal des enfants
Une cinquantaine de jeunes se réunissent tout au long de l’année. Les écoliers de 9 à 12 ans élisent ceux qui siégeront au Conseil dans la « vraie » salle du conseil, chaque trimestre, sous la présidence de la maire assistée de l’adjoint délégué à l’enfance, pour examiner les propositions élaborées par les cinq commissions constituées au sein du Conseil. L’objet de cette démarche n’est pas seulement une initiation à la citoyenneté démocratique mais de mettre en forme ses idées, apprendre à les exposer et à écouter celles des autres se traduit par des réalisations concrètes.
Ils sont associés aux projets et aux décisions qui les concernent : leurs droits, l’école, la vie culturelle, le sport, le cadre de vie, la violence, le respect des uns envers les autres, de la santé, etc… La parole des enfants mise sur la place publique en fait des acteurs de la vie démocratique locale.
« Bonjour Bobigny »
C’est le journal d’information locale tiré à 22 500 exemplaires et distribué dans tous les foyers. Il ambitionne est d’être « un véritable service public d’information … sans être la voix de son maître ». Bien que son existence soit totalement assurée par le budget municipal – recettes publicitaires quasi inexistantes, diffusion et petites annonces gratuites -, l’hebdomadaire a, dès son premier numéro, rompu avec la tradition de support de promotion de l’institution municipale. Il est réalisé par des professionnels de la presse et dispose d’une totale autonomie rédactionnelle. Encore faut-il vérifier cette indépendance sur le long cours !
Le Café des savoirs
C’est un cycle de conférences ouvert à tous. Depuis juin 2011, il se déroule à intervalle régulier à l’espace Che Guevara. Y sont conviés des chercheurs, historiens, philosophes, économistes afin de partager leurs connaissances, leurs engagements, leurs expériences. Ont ainsi déjà été abordés : la production de richesses des banlieues (par Laurent Davezies), l’organisation du travail (par Sidi Mohammed Barkat), le conseil national de la Résistance (par Raymond Aubrac), le formatage de la production alimentaire (par Denis Jambon), les révolutions arabes et les religions (par Jean-Pierre Vermeren), citoyenneté et justice (par Évelyne Sire-Marin), la guerre d’Algérie (par Benjamin Stora).
Qu’en pensent les habitants de Bobigny ? Pour ma part, si cette articulation de structures donne une nouvelle dimension à la démocratie locale, ne manquerait-il pas une dixième structure qui pourrait donner aux femmes, en tant que telles, la parole, quelque chose comme « Les femmes prennent la parole » ?
Formidable! ! ( sur le papier..) L’ un des points forts de ce projet est d’impliquer les citoyens sans distinction d’origine . Il est profondément intégrateur. Donner une parole à une communauté de sexe, pourquoi pas de genre, d’origines diverses (religieuse, géographique , de classe etc) risquerait de mettre en péril la nature même du projet qui deviendrait catégoriel au mieux mais clivant , certainement; chaque catégorie risquant de regarder l’autre comme concurrente voire comme hostile. Donc nuisible au « vivre ensemble »..